Après tout...qui pourrait bien se soucier de moi ?
J'avais toujours été seule, je ne connaissais rien des liens avec les autres...Ils me rejetaient, ou non, je crois plutôt que c'est moi qui repoussait ces "autres". Pour ne pas souffrir ? Peut-être...c'est si simple de s'enfermer dans son monde, son monde de solitude, son monde de chute sans fin, son monde sans sentiments. Une protection...plutôt de l'auto-destruction, un désinterêt de la vie, était-ce la cause de cet isolement, ou sa conséquence ?
Une rafale de vent me sortit de mes pensées, je regardais ma main, ce badge bleu que je tenais serré depuis des heures, ou peut-être des jours...Je ne sais plus. Je me souviens seulement de celui qui me l'a donné...Gadis.
Depuis le début, il est le seul à 'avoir porté un quelconque interêt, je me demande pourquoi, mais il l'a fait. L'ayant rencontré par hasard, mis sur ma route par un destin parfois indécis, dans des circonstances que j'ai omis de noter...Je ne vois pas l'interêt de se souvenir de ces choses là, la mémoire est le pire des fardeaux, celle qui fait naître souffrances, remords, regrets...Je ne fais que me protèger.
Je levais la tête, devant moi, le château de la Saphirae Nocturnus. Je ne pressais pas la pas, et m'approchais lentement, marchant comme je l'avais toujours fait.
L'excitation de la découverte ? Le frisson de l'inconnu ? Des sensations que je ne ressens pas. J'en ai entendu parler, je ne l'ai jamais vécu...Je ne comprend pas pourquoi, et je m'en moque, je me demande juste si moi aussi j'ai..des sentiments.
Une nouvelle bourrasque, je me protegais instinctivement le visage, puis redressait la tête une fois le nuage de poussières passé. Rouvrant mes yeux rouges, écartant quelques cheveux azurés de mon visage, je me remettais en marche, je n'étais plus très loin.
Je me posais une dernière fois cette question "Pourquoi étais-je venue ?"...Parce que Gadis me l'avait demandé ?...Non, c'est trop facile de s'imaginer ainsi une raison illusoire, une simple question n'est pas un motif...Un sentiment d'attraction ?...Non, je ne ressens rien de tel...
Devant moi, la porte du chateau, je laissais de côté mes pensées mélancoliques et abattait le lourd frappoir contre la porte. N'osant pas rentrer...ou peut-être n'ayant pas envie de rentrer, faire volte-face, et retourner d'où je venais, c'est à dire de nulle-part, aurait été plus facile, mais j'avais préféré rester là, attendre qu'on m'ouvre, attendre que quelqu'un vienne...espèrant que ce soit Gadis...ou craignant que ce soit lui...je ne savais pas réellement quoi penser, si je devais aider à produire cette rencontre, ou au contraire, la fuir...